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Pensées d'un humaniste désabusé

par Antonin Van Der Straeten 23 Novembre 2018, 11:07

Rien ne va plus. Faites vos jeux. Le monde déraille. Que ce par soit son climat ou ses modes de fonctionnement, les inégalités se creusent et tout est déréglé. Tout est déjà réglé sans doute, l’espoir est mince de voir se former dans les années à venir une société durable, répondant aux enjeux planétaires qui sont ceux d’aujourd’hui ; on sait depuis longtemps que le climat change et qu’il faut agir, on sait que des guerres forcent des tas de gens à s’exiler, qu’on ne peut plus dire quoi que ce soit sans être choqué, et quand les choses qui dérangent sont pointées du doigt, c’est celui-là qu’on regarde.

 

 

Un climat qu’on regarde.

 

On assiste à un nombre grandissant de phénomènes météorologiques de grande ampleur, et à chaque fois, tout le monde dit qu’il faut faire quelque chose. Et les événements se répètent, parfois s’amplifient encore. La fin de l’été marque souvent le début des gros orages, notamment dans le sud-est français quand frappent les épisodes cévenols, comme ce fut le cas en septembre 1992 à Vaison-la-Romaine et dans ses environs. C’est aussi le moment où le début des fleuves et rivières est le plus bas, en raison de l’absence de fonte de neige en altitude et des précipitations réduites lors des mois de juillet et d’août. Or, cette année, peu de jours humides sont à recenser dans l’hexagone, et les températures persistent au-delà des moyennes saisonnières et des vingt degrés. En haute altitude, le Pic du Midi attend toujours que le gel revienne. Le fond des rivières est sec, parfois ce n’est qu’un filet d’eau qui perdure vers l’aval. Dans Abreschviller, en Moselle, que la Sarre rouge traverse avant d’aller se jeter dans la Moselle, elle-même affluent du Rhin, le bras secondaire au centre du village est terreux et des herbes hautes sont apparues. L’autre côté est encore en eaux, mais celle-ci est à un niveau historiquement bas. La sécheresse, en plus de la bétonisation, peut accroitre les risques de crue, dans la mesure où le sol sec est perméable de manière plus lente qu’un sol humide. En une semaine, le monde a connu des épisodes d’une importance rare, entre les crues dans l’Aude, les quarante centimètres de grêle dans la ville de Rome et des crues à Doha, au Qatar. Oui, au Qatar. Là-bas, les précipitations annuelles sont de l’ordre de 70mm. La semaine dernière, il a plu la même chose en à peine une journée. Et comme à chaque fois, l’humain attend qu’il y ait des morts pour à peine bouger un petit doigt et commencer à réfléchir sur des éventuelles actions. Rien qu’en France, le concret n’existe pas, et l’on communique sur le climat à coups de slogans pathétiques et provocateurs pour à peine répondre à un autre maître dans l’art de la provocation : make our planet great again. 

Tout est encore possible pour que le monde vive mieux. Seulement, l’accélération continue de la course à la croissance, dans n’importe lequel des pays de ce monde, ne permet pas d’envisager sereinement la suite. Les accords de libre-échange ne font qu’augmenter les flux de marchandises qui ne servent jamais ceux qui les produisent, ou alors quand ils sont déjà gros. Ainsi, le traité transatlantique CETA ou la volonté de s’associer avec le Mercosur ne serviront en rien les causes environnementales. Plus l’échange est libre et plus les bateaux avancent pour venir livrer en quantité détonnante des marchandises dont on pourrait se passer. Les étales de supermarchés sont pleines de fruits exotiques et autres légumes en toutes saisons : du raisin du Chili en mars ou des tomates d’Espagne en mai, c’est sans compter encore sur les fraises d’on ne sait où que l’on consomme parfois en novembre. Les saisons n’ont plus de sens pour le consommateur, et dans un souci d’équilibre environnemental et social, il faudrait que chaque individu revienne à un mode de consommation traditionnel, issu dans le meilleur d’une agriculture biologique, durable et équitable, qui rémunère au mieux le producteur, et non les mastodontes qui plantent à toute heure et se gavent sur votre dos. Pourquoi même parlons-nous d’agriculture biologique alors que celle-ci reprend simplement les choses au plus simple ? Bien entendu, il faut valoriser les produits respectant l’environnement. Mais, on pourrait imaginer une traçabilité plus élaborée pour les produits issus de l’agriculture intensive se servant parfois de glyphosate ou de RoundUp. On pourrait taxer ces produits là, les rendre plus chers et permettre aux produits naturels, au sens premier du terme, d’être mis en avant et d’être à des prix qui ne soient pas rédhibitoires pour les gens. De même, réduire la consommation des aliments carnés semble être incontournable pour réduire les scandales sanitaires, du type Findus et autres vidéos d’associations comme L214 ou Greenpeace, et permettre une plus grande harmonie entre les être vivants. Ce que nous faisons de notre planète pénalise la faune, la flore, et par conséquent, tout l’équilibre biologique existant. Parmi les faits les plus inquiétants, la diminution drastique de la population d’abeilles, véritable vecteurs de la reproduction florale en particulier, pourrait à terme mener à la disparition de certaines plantes. Et plus encore qu’un problème d’agriculture déraisonnable et de mode de consommation : le mode de mobilité des gens doit être repensé.

 

Des mobilités défavorisées.

 

L’argument écologique de la hausse du prix de l’essence est une erreur, tant il précarise ceux qui utilisent au quotidien leur voiture pour se rendre au travail notamment, et plus précisément les ruraux. Ceux-là n’ont en effet pas le choix que de prendre leur véhicule personnel, du fait de l’absence de transports en commun de qualité ou de l’absence de ligne ferroviaire efficace. Il tend même à faire culpabiliser les plus dépensiers en essence, en leur faisant payer plus cher une pollution qu’ils ne sont pas les seuls à émettre. Par exemple, ne faudrait-il pas voir dans les réservoirs de kérosène pour trouver une taxe plus « respectueuse de l’environnement » ?

Par ailleurs, la limitation du réseau secondaire à 80 km/h augmente le risque d’accident, du fait de la constante attention du conducteur à son compteur, encore une fois accrue dans les zones rurales, due à la présence constante de radars, en particulier sur les routes de campagne : peut-être serait-il plus intéressant de contrôler davantage dans les villages et dans les villes, là où 70% des accidents mortels ont lieu. Plus encore, cette décision n’a rien de préventive, elle est punitive et n’est faite que pour encourager les gens à emprunter le réseau autoroutier pour aller plus vite quitte à consommer plus d’essence, donc à payer et consommer plus, à polluer davantage, en plus des péages qui ne rapportent quasiment rien à l’État : tout est donc fait pour que les gens paient plus, et que l’argent aille dans les poches de ceux qui en ont déjà bien assez.

C’est pourquoi il faut repenser les mobilités : moins d’individualisme et plus de collectivité. Dans l’absolu, on assisterait moins à une politique antisociale, d’autant qu’un grand nombre de petites lignes ferroviaires ferment par manque de rentabilité. Or, la rentabilité n’a rien à faire dans les mobilités quotidiennes des citoyens qui ne demandent qu’à pouvoir se déplacer facilement et sans un coût trop important. Quarante minutes de train coûtent entre Strasbourg et Sarrebourg la bagatelle de 14€, une trentaine d’euros pour une heure et demie entre Strasbourg et Metz, de quoi décourager les gens de prendre le train. Il en va de même pour le TGV qui pourrait être utile à tous, mais qui continue de servir les plus aisés et les plus centraux, c’est-à-dire ceux qui vont à Paris : il n’est pas normal d’avoir à payer 80€ pour passer une heure et demie à grande vitesse. Cela est dû à des péages payés par la SCNF à Réseau Ferré de France, une réelle absurdité dans la mesure où le matériel roulant et le rail n’appartiennent pas au même organe. Les transports publics n’ont pas pour vocation d’être rentables, et même s’il n’est pas pensable de tout utiliser à perte, il faut penser nos transports de manière à ce qu’ils puissent être utiles à chacun. Par exemple, la ville de Dunkerque a mis en place la gratuité de ses transports en commun et leur fréquentation a augmenté de 50%, laissant les voitures au garage : cela permet un désengorgement des axes et une diminution des coûts pour les citoyens.

De la même manière, le transport de fret devrait, comme en Suisse par exemple, se faire au maximum par le ferroutage, laissant de petits trajets à faire pour les camions qui voyageraient par le rail. Cela pourrait diminuer drastiquement le nombre de véhicules sur les autoroutes notamment, ou sur les axes principaux comme la Nationale 4 entre Saint-Dizier et la Seine-et-Marne, où la cohabitation peut être parfois dangereuse. De même, on éviterait de gros carambolages ou des catastrophes -comme sous le Mont-Blanc il y a vingt ans- tout en permettant aux voitures qui emprunteraient ces axes de ne pas être dérangées par des dépassements de camions à 95 kilomètres par heure sur l’A7 à hauteur de Valence, de nuit et sous la pluie. Une visite des autoroutes suisses devrait être imposée aux dirigeants français.

Enfin, le développement des voies cyclables permettrait aux urbains de se déplacer sans émettre la moindre pollution tout en gardant une condition physique en allant travailler ou étudier. Plus encore, les réseaux cyclables pourraient permettre à des travailleurs plus courageux de faire une vingtaine de kilomètres en évitant les axes routiers et ainsi les accidents parfois graves impliquant cyclistes et automobilistes.

 

Considérer l’humain.

 

Considérer l’humain, c’est considérer la femme et l’homme, considérer leurs difficultés et faire en sorte que chacun soit à sa place. C’est aussi écouter les arguments, comprendre que chacun n’a pas la même histoire que soi, mais c’est aussi considérer le passé, et donc l’Histoire elle-même, sans la déformer de préférence. Je suis un homme hétérosexuel, blanc, né dans le bon corps et je suis féministe. Je suis féministe dans la mesure où je pense que la femme est l’égal de l’homme et qu’elle doit gagner à poste égal le même montant. On ne doit pas pour autant tomber dans la discrimination dite positive qui consisterait à embaucher une femme plutôt qu’un homme pour arguer son féminisme, et ce simplement parce qu’une discrimination reste une discrimination, comme on évite un noir ou un arabe, comme on évite un blanc ou un homosexuel. Pourquoi Quentin aurait-il plus de qualifications que Fatima ? Derrière nos apparences, il y a quelqu’un qui n’a jamais choisi d’où il venait mais qui veut prendre sa direction, et s’il en a les capacités, personne ne doit pouvoir l’en empêcher. Pour parler des femmes, il est inadmissible aujourd’hui qu’on les considère encore comme simplement des bonnes à tout faire, à élever les enfants et à faire à manger, tout en payant plus cher les mêmes produits que les hommes, simplement parce qu’ils ont été étiquetés pour femmes. Plus encore, les salaires, encore trop inférieurs à ceux des hommes, pourraient, s’ils étaient à la même hauteur pour chacun, financer l’augmentation du SMIC de manière non négligeable grâce aux cotisations sociales plus conséquentes. Ainsi, chacun gagnerait à ce que les femmes gagnent davantage, et donc autant que les hommes. Aragon disait que l’avenir de l’homme est la femme, je suggèrerais d’ajouter une majuscule à Homme pour lui donner une consonance universelle et donc humaine.

L’humain, c’est aussi cet homme qui fuit la guerre dans son pays pour survivre à ses risques et périls en traversant la Méditerranée. Prendre conscience de cette migration subie, c’est faire un pas vers autrui. On ne peut pas décemment laisser mourir des milliers de gens qui sont prêts à tout pour ne pas périr sous les balles ou les bombes. Même s’il faut faire une différence entre l’exilé subissant la répression et le migrant venant seulement pour travailler en Europe, on ne peut pas se permettre un tel massacre dans les eaux méditerranéennes. On ne peut évidemment pas accueillir chaque personne étrangère en France, mais c’est un devoir d’accorder l’asile à ceux qui sont dans leur pays considérés comme des parias parce qu’ils ne pensent pas de la même manière ou parce que leur orientation sexuelle est différente. On parle de la France comme étant le pays des droits de l’Homme, le premier d’entre eux est celui de vivre dignement, qu’on soit noir ou blanc, femme ou homme, riche ou pauvre.

 

En définitive, si le monde déraille, c’est d’abord à cause de l’humain qui ne prend pas conscience à une échelle suffisante que son action peut être néfaste et que chacun doit avoir sa place. La bienveillance, c’est un début d’harmonie entre les êtres, en incluant animaux et végétaux, nombre d’entre eux sont présents depuis bien plus longtemps que nous sur Terre, alors ne les éteignons pas, ou nous partirons avec. Respecter sa planète, c’est respecter l’autre et lui accorder toute l’importance qu’il mérite.

Je suis sans doute trop idéaliste pour ce monde de barges, mais le fond de ma pensée et de mon coeur me font penser que peut-être, il serait temps d’agir pour un monde juste dans l’harmonie des éléments qui l’ont rendu possible.

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