Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Départementales en Moselle Sud et Régionales : regards critiques du géographe politisé

par Antonin Van Der Straeten 17 Juin 2021, 17:37 Politique Sarrebourg Phalsbourg Departementales Regionales

Départementales en Moselle Sud et Régionales : regards critiques du géographe politisé

À moins d’une année de l’échéance présidentielle, les élections départementales et régionales interviennent au sortir d’une période compliquée tant pour chacun des habitants que pour le débat politique, résumé à l’incompétence d’un gouvernement qui tue aussi bien la Nation que ses acteurs avec un ton suffisant et infantilisant.

Avec la distance géographique, choisie par ma destination d’étudiant, et la rigueur personnelle qui m’anime d’un point de vue intellectuel et critique, je m’attarderai à donner un regard sur les propositions politiques et sur les échelons qui sont ceux proposés par ces jeunes instances administratives françaises : le conseils départementaux et les immenses nouvelles régions en sont en effet au terme de leur premier exercice. Le géographe n’y est assurément pas indifférent.

 

 

1. Départementales : un scrutin fondamental.

 

Issus de la loi portant sur la Nouvelle Organisation du Territoire de la République (NOTRe), les conseils départementaux ont des prérogatives tout à fait réduites sans pour autant qu’elles soient anecdotiques. À la parité stricte parce que ses cantons, eux aussi augmentés en superficie, sont représentés par un binôme mixte, ces nouvelles assemblées sont en réalité un des étages les plus importants du millefeuilles administratif français, et le scrutin qui les dessine attise plus de convoitises que d’assentiment.

 

Pourtant, les compétences, comme il convient de les appeler désormais, de cet échelon sont des plus importantes : action sanitaire et sociale, services de secours, gestion des collèges et de la voirie départementale, celle des eaux et du remembrement rural, ainsi que le soutien à l’emploi local. Beaucoup de mots, en somme, mais une présence du département au quotidien qui relève de l’indispensable : l’insertion professionnelle, les équipements sportifs, la voirie et une grande partie des services publics sont gérés à l’échelon départemental – sans pour autant que la collectivité elle-même les gère ; les Caisses d’Allocations Familiales et les chambres d’agriculture font partie de ces éléments indispensables du quotidien à être gérés à l’échelon du département.

 

De plus, les départements sont des entités facilement identifiables, que ce soit par les plaques d’immatriculation des véhicules ou les politiques de promotion du territoire : identifiables et même aisément appropriées par ses habitants, de la même manière que les communes. En définitive, ce sont les couches du millefeuilles qu’il convient de conserver et de surcroît de mettre en avant.

 

 

Carte 1. Présentation des cantons de Phalsbourg et Sarrebourg (réalisation : Antonin van der Straeten à l'aide de Qgis, juin 2021 – sources : IGN, DataGouv.fr, CorineLandCover).

 

 

2. Moselle Sud : la gauche incarnée par sa propre désincarnation.

 

Dans les cantons de Phalsbourg et Sarrebourg, riches d’environ 30 000 habitants chacun et de superficies assez conséquentes, autour de 500 kilomètres carrés très fortement marqués par le caractère rural – la densité de population des deux cantons est d’ailleurs équivalente, autour des 65 habitants par kilomètre carré contre environ 120 à l’échelle de la France métropolitaine – et l’omniprésence forestière, les candidats sont d’horizons variés et la majorité d’entre eux exerce ou a exercé une fonction d’élu localement. Cinq binômes sont en lice dans le premier cité quand seulement trois sont présents dans le second. En effet, la présence du binôme sortant constitué de Bernard Simon et Christine Herzog donne une idée de la montagne à gravir pour renverser la tendance. Avec seulement deux adversaires, les événements sont pour le moins attendus, et ce d’autant que l’adversité demeure assez fantasque.

 

Le scrutin paraît plus ouvert dans le canton phalsbourgeois, dans la mesure où cinq binômes sont en lice. Les deux sortants Patrick Reichheld et Nicole Pierrard ayant acté leur divorce politique, pour le plus grand plaisir de l’analyste en herbe que je suis, le premier n’a pour programme que son bilan, accaparé comme s’il était le seul à avoir travaillé. La seconde s’est construite une équipe solide et entend bien peser, sans doute encore davantage que lors du précédent scrutin. Les autres joueront le rôle de l’arbitre, entre l’Union de la Gauche si fièrement brandie et l’opportuniste qui ne manque jamais une occasion de pointer le bout de son nez, Emmanuel Riehl, cette fois-ci associé à Véronique Madelaine, ancienne candidate UMP en 2015.

 

Je ne mentionne pas les candidats du Rassemblement National de manière tout à fait volontaire : ceux-ci sont des plots de chantier encombrant une route nationale un jour de départ en vacances, ils ont été mis là pour faire acte de présence, et leur existence pourtant aussi dense que la mer d’Aral l’est en eau sera cependant à suivre. Ou à éviter.

 

 

Un matin d’avril, j’ai été contacté par un représentant mosellan du Parti Socialiste – que dis-je, de ce qu’il en reste, qui me proposait d’avoir la primauté sur l’engagement à gauche lors de ces élections, me pensant encore membre de la France Insoumise, ce qui aurait été, selon lui, une image forte quant à la possibilité d’une union de la gauche ; ce vœu pieux qui a montré ses limites à peine deux ans après l’élection de François Mitterrand. J’ai demandé à avoir un temps de réflexion alors que ma réponse était déjà claire dans mon esprit. Hors de question. J’ai naïvement pensé que j’avais le temps de recontacter ladite personne et que je pourrais lui donner les raisons de mon refus catégorique. Mes préoccupations étaient ailleurs, tant géographiquement qu’intellectuellement : un Master à valider et absolument aucune envie de m’engager avec comme proposition celle d’un cadre de parti, ancien assistant parlementaire, qui à demi-mot insultait le président du mouvement auquel je suis adhérent, Georges Kuzmanovic. Un dimanche du début de mai, j’ai essayé d’avoir un nouvel entretien avec ce responsable socialiste, en vain. Soit. Je n’ai aucune rancœur, et je suis plutôt satisfait de n’être dans l’arène politique qu’en tant qu’observateur des éléphanteaux qui tentent indubitablement de se frotter aux lions. Pas farouche, la gauche. Quand bien même, j’apprécie tout de même avoir des réponses à mes sollicitations, mais je m’y suis intéressé trop tard, ils avaient découvert le trésor caché de la nouvelle vague populaire locale : Catherine Grosse. Comme si la crédibilité que Jean-Yves Schaff avait donné au côté gauche de l’échiquier politique n’était pas suffisamment instable, et que le mandat de François Hollande n’avait pas non plus commencé à la déséquilibrer. Cette candidature vient terminer la déconstruction d’une gauche qui croit innover et reconstruire.

 

 

Du point de vue partisan, il est difficile de définir clairement les appartenances de chacun des binômes, si le Rassemblement National est là pour préparer les présidentielles avec un programme lunaire, les autres candidats n’ont soit aucune étiquette – et sont en réalité tous des centristes libéraux conservateurs – soit en accumulent quatre. Quatre étiquettes pour un seul binôme lors d’une élection départementale, c’est pour le moins curieux et c’est le fruit de l’union de la gauche, ou de ce qu’elle prétend être. Dans ce gaspacho insipide de logos qui ne signifient pas grand chose à l’échelle locale, on retrouve le Parti Socialiste et Europe Écologie, deux alliés de longue date, et le tandem Parti Communiste-France Insoumise qui avait plutôt bien fonctionné lors du dernier scrutin présidentiel. La suite est connue : la gauche est derrière, partout où elle se manifeste.

 

Elle se présente en ordre dispersé lorsque les financements des partis sont en jeu ou quand une grande administration est en jeu, pour le reste, elle fait comme si elle innovait avec une union. Oui, parce que c’est une fausse innovation que l’union « de la gauche et des écologistes ». Le Front Populaire, le Programme Commun et la Gauche Plurielle semblent avoir été mis aux oubliettes alors qu’ils sont les plus grandes percées de la gauche au cours du vingtième siècle, à savoir jusqu’à gouverner avec plus ou moins de réussite. Aujourd’hui, cette alliance est fantoche, elle regroupe tout et rien, ceux qui se prétendent anti-libéraux et ceux qui le sont ouvertement, ceux qui défendent l’institution policière et ceux qui crient allègrement « ACAB » dans toutes les manifestations. En clair, rien ne les rassemble sinon le fait de vouloir faire barrage à l’extrême droite, tels une famille de castors vexés. Le Parti Communiste a tout d’opposé à Europe Écologie : la position sur le nucléaire, la défense des classes populaires tandis que la France Insoumise s’est construite sur les bases du Parti de Gauche, lui-même fondé sur une opposition fondamentale au Parti Socialiste. Quand certains proposent de produire moins, d’autres promettent une croissance verte. Dès lors, il apparaît une incohérence gauchisante à la hauteur de leur idée programmatique, qui est exclusivement centrée sur les questions d’écologie, avec la dose de greenwashing chère aux écologistes de centre-ville.

 

C’est « la campagne comme on l’aime » explique le compte Facebook de Moselle Sud en Commun en montrant Catherine Grosse à côté d’un tracteur, elle qui doit être ravie d’avoir vu les terrasses rouvrir le 19 mai dernier pour continuer à faire campagne au café pendant que ses équipes distribuent des tracts, comme à Morhange où elle a tenté une heure durant d’expliquer le sens de sa démarche à Florian Philippot. La cheffe d’entreprise est l’exemple parfait de ce que n’est pas la gauche : libérale et individualiste, sa présence en politique est essentiellement due aux obligations paritaires des partis lors des dernières élections législatives, ne sachant pas non plus répondre à une question sur le rôle du député alors qu’elle y était prétendante. Le bien commun n’est jamais mentionné et le fait que la candidate sarrebourgeoise cite avec une légèreté insupportable l’individualiste teinté de vert Pierre Rahbi, qui aime à partager quelques mondains dîners avec les dirigeants du Cac40, rappelle que cette gauche moderne est libérale, souhaitant le bien être de chacun plutôt que l’amélioration et la pérennisation du bien commun. Cette peinture verte se ressent tout autant chez sa suppléante, Chloé Béguin, qui après avoir abandonné sa thèse en géographie en 2019 – et donc après avoir utilisé en vain de l’argent public, explique avoir parcouru le monde avant de devenir entrepreneuse dans les énergies renouvelables. Les avions qui parcourent ledit monde ne circulent pas encore à l’électricité des éoliennes : faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais. Ajoutons à cela la langue de bois du jeune suppléant Adrien Krieg qui espère « apporter des remédiations aux problématiques sociétales, notamment écologiques et sociales », ce qui ne signifie absolument rien mais qui, aux yeux des écologistes, est plein de sens. Finalement, sur ce canton de Sarrebourg, seul Stéphane Val semble avoir une réelle consistance politique et une cohérence dans ses engagements : la défense des aînés et les valeurs sociales, il est même le seul à parler des classes populaires. Étonnant pour une gauche qui a historiquement fondé son argumentaire sur la défense de celles-ci, et notamment au Parti Communiste ; l’omnipotence de l’écologie dans leur campagne démontre que les classes populaires sont accessoires pour nombre des candidats de cette gauche. Et pour cause, Europe Écologie n’aime pas ce qui est populaire : entre les propos des maires de Bordeaux et de Lyon sur les sapins de Noël et le Tour de France, l’interdiction des véhicules diésel dans les grandes villes, l’écologie politique est devenue punitive et exclut de facto les classes les plus modestes, qui n’ont ni les moyens de prendre le train, ni ceux de changer de voiture pour une électrique malgré les aides étatiques. La conclusion du tract officiel mentionne un refus du libéralisme économique, cette alliance mémorable en prend toutefois toutes les formes.

 

Par ailleurs, il est dommageable de voir dans le canton de Phalsbourg trois des quatre candidats de cette alliance établis autour du chef-lieu, il est difficile de s’y identifier lorsque l’on habite dans l’ancien canton de Lorquin ou dans les communes du canton qui sont situées proches de Sarrebourg. Je ne doute pour autant pas de la bonne foi de la majorité d’entre eux, que j’ai pu croiser lors de ma campagne législative de 2017. Cependant, en tant qu’électeur du canton, je vois dans les propositions des éléments qui méritent d’être évoqués. Tout d’abord, les candidats mentionnent la création d’un service public de l’aide à domicile avec un développement des consultations médicales itinérantes : si le premier est pertinent dans le rôle de l’État, le second apparaît quelque peu superficiel dans le sens où un médecin doit être disponible et à proximité chaque jour de l’année, notamment dans un espace assez âgé comme le canton de Phalsbourg : il serait dès lors plus pertinent de s’attacher à ce que de jeunes médecins viennent s’installer dans les villages et ainsi participer au maillage de manière pérenne. Il est par ailleurs décevant de n’avoir un mot que pour les plus jeunes et pour les plus anciens : les 25-65 ans sont une majorité de la population. De plus, Moselle Sud en Commun assène avec force et vigueur l’importance du bio, que ce soit sur les marchés ou dans les cantines, mais celui-ci est un argument marketing qui n’aide en rien l’agriculture locale : il faut penser local avant de penser bio. Le label AB est par ailleurs issu d’un cahier des charges de l’Union Européenne, ce qui ne garantit plus grand chose. Le localisme est à promouvoir plutôt que le bio pour une raison assez simple : à Sarrebourg ou à Phalsbourg un produit bio qui vient d’Espagne aura une empreinte carbone plus élevée que le produit « classique » qui a poussé à Dannelbourg. Personne ne s’est attardé sur l’ouverture future d’un restaurant McDonald’s à Phalsbourg alors que deux sont déjà présents à Sarrebourg et Marmoutier, à 15 minutes en voiture. Le maillage territorial des restaurants de l’enseigne va finir par être plus important que celui des médecins généralistes.

 

Le programme mentionne aussi la végétalisation des cours de récréation et l’inclusion de voies cyclables et piétonnes dans les projets de nouvelles infrastructures. Si l’on observe la carte de présentation des deux cantons, il apparaît que ces deux propositions sont lunaires. En effet, l’immense majorité des établissements scolaires sont déjà pourvus d’espaces verts, et les collèges de Lorquin et Hartzviller – pour ne citer qu’eux – sont à l’orée de champs et de forêts. Une immense majorité du territoire des deux cantons est occupée par ces champs et ces forêts, l’intérêt d’une telle mesure est alors moindre et relève une nouvelle fois du greenwashing des citadins – la faible densité de population des deux cantons permet pourtant aisément de ne pas faire ce raccourci. Quant aux structures cyclables, elles sont obligatoires dans tous les nouveaux aménagements urbains selon l’article L228-2 du code de l’environnement, cette proposition relève donc d’un élément qui existe déjà depuis 2008. En revanche, si les volontés cyclables renvoient à la liaison des communes entre elles pour les déplacements pendulaires, il apparaît que les besoins ne sont pas ceux-là. Avec une température moyenne annuelle de 8,8 degrés et une pluviométrie de 782mm par an, Sarrebourg est bien plus humide et fraiche que ne l’est Paris (12,3°C et 475mm de précipitations), et les gens se rendant au travail à vélo sont bien peu nombreux. Cela aurait une pertinence dans le cadre touristique, mais la gauche n’en fait pas mention. Le besoin réside d’abord dans des transports en commun de proximité, à la manière du réseau IsiBus de Sarrebourg, qui mériterait d’être redéployé. Mais ô misère, le transport n’est pas une compétence départementale et la Région n’a que faire des petites villes. Enfin, Moselle en Commun veut un département vivant et attractif, mais ne propose absolument rien, ce qui est dommageable pour un territoire qui a pourtant un nombre conséquent d’atouts : la protection du patrimoine industriel et artisanal pourrait être le cœur d’un programme, et non uniquement une petite ligne perdue en bas d’un document officiel. La gauche, dans son refus du « repli identitaire », s’ankylose dans une ligne bourgeoise qui ne parle à personne, sinon à eux-mêmes. Moselle en Commun est finalement Moselle Entre Nous, loin des valeurs universalistes et populaires de la gauche historique, celle qui ne veut pas défiler auprès du CCIF et qui défend une jeune femme harcelée et menacée de mort par des apprentis islamistes. Là où il est, François Delapierre doit pleurer autant que nous le pleurons, et je suis finalement très heureux de ne pas avoir pris place à bord de cette arche de Noé aux airs de Titanic.

 

 

Pleurer, telle a été ma réaction lorsque que j’ai appris que le conseil municipal de Phalsbourg avait retiré son poste d’adjointe à Marielle Spenle parce qu’elle s’était engagée auprès de Patrick Reichheld, et ce tout simplement parce que le maire de ladite commune est le beau-frère de la colistière d’Emmanuel Riehl. De rire, j’ai pleuré de rire. Parce que la politique locale a des allures de réunions de famille qui dégénère à cause d’un oncle raciste et d’une nièce libertaire. Si l’on peut regretter le choix de Marielle Spenle, parce que Patrick Reichheld a fait son temps et que son égo continue de suinter sur toutes ses publications, il n’en demeure pas moins que le comportement du maire de Phalsbourg, Jean-Louis Madelaine, renvoie à des pratiques d’un autre temps. Finalement, il fait bon laver son linge en famille…

 

 

D’un point du programme, Patrick Reichheld et Véréna Fogel-Gossé n’ont rien à proposer et se reposent sur les acquis du vice-président sortant du département, qui n’hésite pas à le mentionner partout où il passe. Leur programme ne renvoie qu’à la poursuite des choses et non à l’instigation de nouveaux éléments. Pour rappel, il y a quinze vice-présidents du conseil départemental, le poste que le sortant occupe n’a donc rien d’extraordinaire. Bien qu’il soit en charge des espaces naturels et agriculteur de profession, il souhaite continuer à développer les zones d’activités qui artificialisent et appauvrissent les sols. Il est mentionné une aide et un soutien aux nouveaux agriculteurs, sans pour autant que des modalités basiques ne soient précisées, et il en va de même pour la promotion touristique. Le tract de cette équipe est tellement synthétique qu’il en devient simpliste et, par conséquent, illisible pour les gens sérieux. De plus, il est mentionné une volonté d’actions favorisant la sécurité, ce qui n’est pas une compétence des départements, ni même des régions. Cette candidature se résume donc à un « regardez tout ce que j’ai fait, c’est moi le meilleur », ce qui est, en plus d’être très enfantin, est indigne d’un vice-président de département qui utilise uniquement sa seule image pour faire sa promotion. J’en veux pour preuve la photo de profil choisie pour incarner la page Facebook « Toujours là pour vous ». Pour nous, mais surtout pour satisfaire l’ego de monsieur le conseiller départemental sortant.

 

 

Emmanuel Riehl aurait par ailleurs pu assainir le débat, il a préféré l’ignorer. Fraîchement réélu à la mairie d’Abreschviller dans des circonstances peu honorables, celui qui se veut défenseur des communes repart à l’assaut du canton, pour finalement encore davantage délaisser les habitants du village de la vallée de la Sarre Rouge, ce qu’il fait déjà formidablement bien depuis 13 années, bénéficiant de conditions favorables à sa réélection. Ce dimanche, il fera face à des candidats en pleine santé, ce qu’il n’a plus l’habitude de battre depuis 2011. Le binôme qu’il conduit souhaite soutenir les communes alors que lui-même laisse mourir la sienne, recluse au fond de sa vallée, en soutenant les politiques de décentralisation ridicules du président Macron, qu’il a fièrement soutenu en 2017 en lui attribuant un parrainage. Il souhaite soutenir les associations « dans leurs actions et réalisations ». Vaste programme ! Lui qui ne répond aux sollicitations que lorsque son poste est menacé, cela apparaît comme une promesse lâchée dans le vide. Il en va de même pour l’accompagnement des projets touristiques et la mise en valeur patrimoniale. L’état de friche de la scierie d’Abreschviller devrait l’inciter à plus d’honnêteté ; le rapport que je lui ai déposé à ce sujet en février dernier est par ailleurs resté sans réponse, à la différence des responsables de la Communauté de Communes de Sarrebourg Moselle Sud, qui ont apprécié ma démarche. Lui refuse de dialoguer avec les responsables susdits, le tourisme et la patrimonialisation n’arriveront donc pas de sitôt dans nos vallées. Du vent, voilà ce que propose le binôme Madelaine-Riehl. La concrétude des gestes du maire de mon village se résume au serrage de mains et à son incommensurable faculté de dire oui.

 

 

Pour terminer, le binôme mené par la sortante Nicole Pierrard, séparée politiquement de Patrick Reichheld, et Régis Idoux, maire de Bourscheid, semble être le plus concret dans ses propositions et le plus réaliste. Bien que les mesures dans l’aide à la personne soient assez proches de celles des autres binômes, celui-ci est le seul à mentionner le développement de l’accès au numérique pour tous, et non simplement pour les téléconsultations de médecine des séniors souhaitées par l’union de la gauche, mais également une aide et un conseil technique au montage des dossiers associatifs. L’agriculture, mentionnée également, est espérée comme une valeur ajoutée au territoire : c’est précisément ce qu’elle doit être, qu’elle soit ou non biologique – le localisme est également mis en avant de manière évidente. Enfin, la promotion du patrimoine est mentionnée clairement et par ses particularités, et non de manière générique comme le font tous les autres candidats : ce qui peut être perçu comme un détail et qui ne l’est absolument pas pour ma part, c’est que leur tract utilise des images du patrimoine local, ce qu’aucun des autres binôme ne fait. Nicole Pierrard et Régis Idoux montrent une réelle ambition pour le territoire et non juste une énième mandature à le faire vivoter : le développement des réseaux touristiques et de l’événementiel sont des éléments pertinents dans un espace rural. On peut cependant regretter l’absence de quelques précisions, notamment sur la nature des événements ou sur les types de réseaux à développer. Enfin, aucun des candidats de cette équipe ne semble forcer son sourire sur les photographies de campagne, et il semble que la décontraction et le bien-être des citoyens soient des facteurs importants dans une situation comme la nôtre.

 

 

En définitive, entre la légèreté de la gauche, les droites diverses et les divers droite, il conviendra aux électeurs de choisir le binôme qui représentera au mieux son territoire, mais également celui qui semblera le plus à-même de ne pas les trahir. La confiance aux politiques étant constamment remise en cause, il vaut mieux choisir quelqu’un en qui on a confiance et que l’on voit en action sur le terrain, plutôt que quelqu’un qui se présente de manière opportuniste, avec pour seule ambition sa propre personne ou les espérances de son parti politique.

Sans faire de pronostic, j’ai informé de mon vote le binôme concerné.

 

 

3. Régionales : antichambre hydroponique d’une présidentielle hystérique.

 

Au rayon des élections inutiles et insipides, les régionales se présentent en pôle position, parfois contestée par les européennes. Trahisons, alliances médiocres et ambitions présidentielles font de ce scrutin l’un des plus boudés par les français, lassés de voter une fois par an, et en l’occurrence pour des élus qu’ils ne voient jamais. Et pour cause, la taille des régions n’est pas un atout pour connaître ses représentants, élus sur des listes stratosphériques sans que l’on en connaisse la réelle constitution ; de temps à autres, on mentionne la tête de liste d’un des départements pour faire en sorte de n’oublier personne.

Et pour cause, les régions et leurs compétences bien trop nombreuses ne parlent à personne, sinon à leurs élus. Qu’est-ce qu’un rémois a à faire de sa capitale régionale à Strasbourg alors qu’il a Paris à 45 minutes de TGV ? Qu’est-ce qu’un habitant du Cantal peut bien vouloir faire d’une hégémonie lyonnaise alors qu’il lui faut quatre heures de voiture pour s’y rendre ? Les régions sont hors-sol, et elles ne représentent qu’une chose : la puissance de l’administration et de la bureaucratie, sans aucune cohérence territoriale. Fusionnées pour dépenser moins, elles dépensent une fois et demi plus que les anciennes régions et sont un des plus gros dilapideurs d’argent public, pour des panneaux en Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, alors que les projets territoriaux sont ignorés, de même que les financements pour l’enseignement supérieur et la recherche.

 

 

Et pourtant, elles sont le centre de l’attention alors que les départementales sont copieusement ignorées des médias. Ces grandes régions ne servent qu’à donner des mandats à des gens dont on ne connait pas la fonction et encore moins les actions, les conseillers régionaux sont des plots et les présidents de régions sont des gens à qui l’on a donné une fausse légitimité, simplement parce que leur territoire est grand. De ces régions dépendent nos transports, oubliant la plupart du temps les espaces les plus en marge, générant d’immenses effets tunnels, et le schéma d’aménagement qui lui aussi affirme le pouvoir des villes. Les régions sont de gigantesques logiques en centres et périphéries qui créent un très grand nombre d’inégalités entre les territoires, mais également des revendications locales plus fortes, en Alsace ou en Bretagne par exemple. La future loi 4D devrait accentuer ces inégalités et va aller à l’encontre la constitution en faisant de la différenciation territoriale : la République est indivisible, et les régions l’affaiblissent par l’allongement des dents de leurs présidents et par l’européanisation des logiques territoriales.

 

 

Ce gigantisme suscite les convoitises des politiques qui veulent en être les principaux acteurs, être les chefs des Länders français, en contradiction avec l’histoire de la France, mais en cohérence avec la Europe Germanique d’Ursula von der Leyen. Le schéma néolibéral UE-Régions-Intercommunalités est mortifère et ne répond à aucun des besoins des gens. Pis encore, il les asservit et fait de l’Europe une toute puissance qui gère ses régions tels des pantins désarticulés. D’ailleurs, les alliances qui se dessinent partout en France sont le témoin de cette importance trop grande des régions : la gauche n’est unie nulle part par superpositions d’égos – celui de Jean-Luc Mélenchon en tête, Yannick Jadot (alias Melon Bio) comme dauphin – et se tire dans les pattes pour savoir qui des deux listes – Filippetti ou Romani – dépassera les 10%. Dans un territoire comme les cantons de Sarrebourg et Phalsbourg, vraisemblablement aucun des deux. La République en Marche envoie ses ministres en chien de garde pour espérer avoir un exécutif local tandis que la droite s’écharpe entre le Rassemblement National et les centristes mous de la majorité. Jean Rottner, président sortant, peut compter sur Brigitte Klinkert pour avoir ses voix au second tour, elle-même étant une ancienne de la maison. Elle est par ailleurs une des artisanes de la Collectivité Européenne d’Alsace, que les Alsaciens eux-mêmes avaient refusée, et qui est ce que la décentralisation a fait de pire depuis quarante ans. Le sortant, qui aimait tant refuser le Grand Est en 2015, a fini par aller se servir dans la soupe dans laquelle il avait craché pour séduire les fédéralistes d’Unser Land.

 

En un mot comme en cent, ces élections régionales sont une espèce d’antichambre de l’élection présidentielle qui n’aura absolument aucune répercussion sur le vote des Français, mais qui aura le mérite de mettre quelques uns des pires politiques à la retraite. Plus encore, elle est le lieu de toutes les alliances les plus saugrenues, pourvu qu’un poste se libère miraculeusement au soir du second tour. C’est même là que les partis politiques perdent leur dignité en s’alliant à ceux avec qui ils ne partagent rien.

 

 

En définitive, il apparaît qu’il est nécessaire de revenir à un schéma traditionnel qui parle un maximum aux gens, à la population, et qui répond à leurs attentes. Il est pour cela nécessaire de reconstruire des entités administratives auxquelles les Français sont capables de s’identifier : la Nation, le Département aux cantons de taille initiale et la Commune sans fusion artificielle. Alors, on pourra voir une démocratie vivante et des personnages politiques auxquels les habitants peuvent s’identifier et avec qui il est possible d’échanger. Enfin, le millefeuilles administratif serait simplifié et l’argent public irait à des échelons réalistes qui servent le bien commun.

 

 

 

 

« Chaque fois que quelque chose va mal, c’est que quelque chose est trop gros »

 

Leopold Kohr

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires

Haut de page