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2021 : mon bilan

par Antonin Van Der Straeten 24 Décembre 2021, 18:15 Chroniques Noël

Décembre, ses traits tirés et sa lumière éclatée : vous voilà. Pendant longtemps, j’ai pensé que le temps était venu de passer à autre chose au bout de sept bilans, que j’avais le droit d’abandonner cette idée et que je n’avais plus le temps d’y passer quelques heures. Force est de constater que j’y suis revenu, non parce que c’est raisonnable, mais parce que j’en avais envie, et un tant soit peu besoin…

Il est alors l’heure de se pencher sur ma noble année, à travers ces quelques phrases profanes au style qui tend volontairement vers le misérabilisme, en espérant laisser la médiocrité rue du Faubourg Saint-Honoré. Comme d’habitude, je vais vous parler de mon année alors que vous n’avez vraisemblablement rien demandé, mais d’un autre côté, si je ne le faisais pas, vous vous feriez sacrément chier. Comme d’habitude, je vais vous parler d’une année que la majorité d’entre vous aura passé à attendre qu’elle se termine, en espérant que l’herbe reverdisse en janvier — vaste blague ! — à l’aune de nouvelles résolutions qui n’auront jamais de sens parce qu’on aura trop écouté Claude François. Comme d’habitude. Même pas en janvier que je me suis déjà paumé, c’est dire si ça promet… Allez, on s’y met !

 

Janvier.  Une année commence quand bon nous semble, loin des calendriers et des horaires ; quand on la partage d’abord, avec une sauce balsamique ou dans sa plus propre intimité. Il fait froid comme il est de coutume à minuit ces jours là.  Le fait est que, en ce début de janvier, minuit tend à commencer à 18 heures, comme si les virus étaient plus dangereux après une certaine heure. De toute façon tout est fermé, qu’est-ce que tu veux que j’aille faire dehors… même dans la nouvelle collectivité européenne d’Alsace, cet artifice de nouveauté qui ne fait que conforter les libéraux dans leur opération de vente de la France à la découpe : une boucherie ! Alors, non sans un pincement d’âme et après avoir fait de mon humble village un objet géographique digne d’une mention très bien – à confirmer, je rentre dans mes contrées savoyardes pour continuer de doux exercice de l’apprentissage de la recherche. Entrecoupé de quelques heures à surveiller des lycéens qui chopent plus de virus qu’autre chose, je retrouve le chemin de l’école et des journées de terrain à l’autre bout de la Savoie. Pareil, on se dit qu’on irait bien volontiers jusqu’au bout de la vallée qui n’est belle que lorsque l’on évite de rester au plus bas : putain de Maurienne, tu es bien trop longue, et que dire de ma… non pardon, c’est peu distingué. Que dire donc quand les dix derniers kilomètres ne sont pas exempts de neige. Bonneval-sur-Arc, c’est loin, mais c’est beau.

Les bords du Rhône aussi sont beaux quand on les emprunte à vélo. En l’absence prolongée du saint handball et de ses à-cotés, je finis dans le bas côté après avoir lamentablement glissé sur trois feuilles qui faisaient office de ligne séparatrice de piste cyclable. Il n’y a guère que mon genou qui se troue. Un peu plus loin, je comble les vides en profitant du merveilleux thé de la rue des marmillons. Aix-les-Bains n’est pas si hostile à ma géographie.

 

Février. À nouveau, je retrouve les bancs de l’école entre deux épisodes lycéens, une fois pour aller voir comment la politique est ordonnée du côté de la Haute-Tarentaise, l’autre fois pour voir comment le tourisme s’articule dans une Chartreuse enneigée. Là, on voit un télésiège encore plus fermé que le reste des remontées qui jonchent la France, au grand désespoir de toutes les montagnes et des quelques aménageurs qui s’en vont y faire un stage. À juste titre, je me demande pourquoi aucune ligne ferroviaire ne traverse le Bhoutan alors que je dois, avec deux collègues éminents, comprendre le tourisme montagnard hors station. C’est pourquoi je construis le projet ferroviaire national : le Bhoutan-Train. Le pire c’est que j’en suis fier. Autant que de l’enfumage qui a suivi, en inventant des lieux et des sources : eh ouais, c’est beau la science, on dirait une thèse dirigée par Eric Fassin…

Sous la neige, encore et toujours, et sans que les remontées ne remontent qui que ce soit, j’entreprends le dernier voyage de la Sainte Yaris, qui prendra ensuite l’avion vers des contrées tropicales : le Cameroun fait un splendide voiturotropisme. Puis, entre deux parts de gâteau et autres mi-temps de rugby, il est question de rentrer des gaines dans des trous, ce qui n’arrivera jamais. De fait, deux semaines sans bicyclette et me voilà des plus embêtés alors que la météo commençait à être moins humide. Pour me consoler et attendre une douce résolution à deux roues, je fais un magnifique doigt à la toujours jeune collectivité européenne d’Alsace – eh oui, encore, c’est vous dire à quel point je la déteste – non sans amusement. Une collectivité française n’a pas a être européenne, elle a d’abord à respecter la République et la France ; et c’est encore pire quand sa conception s’est faite en déféquant allègrement sur l’avis des gens. N’hésitez surtout pas à aller vous faire foutre, et mort à la différenciation territoriale.

Enfin, et pour terminer le mois, je réapprends à pédaler dans les contrées grand-maternelles, proche des Baronnies qui n’ont absolument jamais été Provençales. Il est temps de regagner ma noble Savoie, au mois pour bosser un brin, ce mémoire ne se fera pas tout seul.

J’oublierai presque que je suis jeune propriétaire endetté d’un somptueux C3 Picasso : à l’aventure, compagnons !

 

Mars.  Commencer le mois au bord du lac secondaire, autour d’Annecy, aurait dû annoncer les beaux jours. C’était sans compter sur la promptitude de ma monture à émettre quelque caprice : alors que je suis à deux doigts de tomber de faim dans le facile col de Bluffy, j’entends un grincement persistant sous mon honorable postérieur. Me disant que cela n’est que passager, je m’élance accompagné dans la descente vers Veyrier, village dans lequel quelques nids-de-poule ont vu le jour. Patatra ! Ma roue arrière passe dans l’un d’eux et d’un coup, me voilà assis dix centimètres plus bas, tel un canard sur un vélo trop petit. En desserrant pour voir ce qui cloche, la vis reste partiellement dedans, le reste dans ma petite main et ma tronche pantoise. Le monsieur dit qu’il faut attendre la fin du mois… Alors, j’attends et me concentre un tant soit peu sur mon second mémoire, à envoyer un nombre phénoménal de mails dont une douzaine verront réponse.

En parallèle, je traverse accompagné les Bauges, jusqu’au vallon de Bellevaux et à la Croix du Nivolet : au loin les Écrins dépassent un peu et l’on se dit qu’il pourrait être sympathique d’aller voir comment c’est de plus près – même si j’y étais en mai dernier hein, ma mémoire est sélective quand je veux retourner à un endroit en particulier. C’est pourquoi je cherche toujours à gratter deux trois gâteaux, histoire de les partager et d’être gros. Bah oui, autant en profiter puisque j’ai pas de vélo (en vrai je le paierai très vite mais là n’est pas le problème) ! Je vous conseille même de relire la dernière phrase, hors parenthèse, avec un ton plus déterminé et un brin fâché à partir de « puisque ». C’est bon ? Voilà, vous avez tout capté. D’ailleurs, il s’avère que je peux encore plus gueuler en le disant puisque ma chère monture est fissurée d’en bas en plus d’être niquée de la vis. S’entame dès lors une course à qui trouvera un vélo rapidement : Look c’est trop petit, pis Spé c’est trop cher, à croire que les salauds de pauvres d’un mètre nonante-cinq n’ont pas droit au coup de pédale (ceci n’est pas un slogan pour la campagne d’Eric Zemmour). Reste que Trek a plus d’un tour dans son sac, et des délais pas déconnants pour la période…

Allez, santé Macron, je rentre à la maison ! Le tout avec un papier pour aller presque au plus loin pendant que les autres sont prétendument coincés dans un rayon de dix bornes. Mon cul !

 

Avril. Nous revoilà chez nous comme des pions, des lions en cage, au mépris de toutes les conclusions de l’OMS ; après tout, Jupiter est un apprenti-épidémiologiste, il fait bien ce qu’il veut. C’est dans ce contexte un peu pénible (vous noterez ma tendance à usiner de l’euphémisme) que claque le Prince Consort, qu’on sortait plus des masses mais qui s’était pendant longtemps inquiété du sort du Royaume-Uni, de la Grèce et du Danemark. C’est aussi dans ce contexte à la con que je bénéficie d’un passe-droit pour aller où je veux faire de la science. Enfin interroger des gens quoi, comprendre ce qu’ils ont en tête et dans les yeux quand passe le Tour de France. Vaste programme ! Comme celui qu’il m’est permis de faire grâce au prêt de la splendide Pamela, sans qui ce mois d’avril aux airs de février aurait sans doute été très morne, même après avoir plus fait de carbo que de terrain. Top Chef a vraiment été utile à mon mémoire, je vous jure. Dans ces vacances prolongées qui n’en sont pas, je fais des visios avec des Suisses et me dit que potentiellement, en faire encore plus tard ne serait pas quelque chose de complètement déconnant. Après tout, mon mémoire avance alors… pourquoi pas ! Il fait bon faire la course dans les faux-plats de son rayon de dix kilomètres, quoiqu’à vélo c’est plutôt conséquent ! D’ailleurs, en parlant de vélo, il est commandé.

 

Mai. Alors que je pensais le mois de mai celui des beaux jours revenus, je me mange la plus belle journée de pluie de tout le printemps en me rendant vers des contrées connues ; Grand-Bornand et col des Aravis sont vus sous un angle presque nouveau : sans ciel et sans horizon. Drôle de Mont-Blanc que celui qui n’est que coton et laine brute. Du terrain sans voir les gens, en voilà une drôle de perspective. Bon, en fait, j’en ai vu deux. Et ils connaissaient Frank Schleck, je vais sans doute revenir ! Mais pour l’instant, bien aidé par un passe-droit scientifique, je prends la direction du Haut-Giffre pour s’en jeter une ou deux et penser à nos perspectives : « ouais, non, vous avez raison, celui-ci même en allant en Suisse il restera médiocre… ». Qui a dit que c’était personnel les perspectives..? Ah oui et d’ailleurs, c’est pas parce que vous allez en Suisse que vous êtes brillant, change my mind !

Il fait enfin beau et Pamela me revient une ultime fois, je prends donc la direction du frigo nommé Chartreuse, reste planté dans le Cucheron et me dit que c’est chouette le vélo. Non mais vraiment quel sport de con… la Chartreuse, si t’es gros, c’est mieux quand tu vas à Saint-Même, tu marches trente minutes et tu bois une bière en mangeant un wrap au saumon, et Dieu sait qu’il est bon, ce saumon enroulé. C’est comme une glace avec le Chéran en bruit de fond, c’est rudement bon (je sais que c’est pas en Chartreuse hein, c’est juste que je peux pas faire des transitions pour tout, vous pensez bien…).

Tiens, voilà Monsieur Serge, ma nouvelle monture. En plus Serge est violet, et Serge est beau. Viens Serge, on va faire un tour dans la Haute-Clarée. Pas vilain le baptême, surtout quand le génépi se fait voisin.

 

Juin.  Il arrive l’heure de finir d’écrire ce bon sang de mémoire. 165 pages d’élucubrations que mon jury m’encouragera à prolonger, et cela arrive très vite avec huit mille signes à écrire pour août et mon plus grand plaisir. Juste avoir l’avoir cité dans ledit mémoire, Antoine Bailly s’envole vers la mort : il faudrait peut-être que je cite Bruno Le Maire et Aya Nakamura. Non rien, pardon, je me suis égaré. Ce n’est pas ce genre de gens qui me donnent envie de devenir chercheur, mais l’envie – elle – est tout à fait présente. Auréolé nonobstant d’une mention très bien, j’augmente la cadence de consommation de gâteaux et celle de l’escalade de cols : après un retour dans les salles de hand furtif, je m’accompagne d’un frangin fugitif qui s’envole devant moi dans le col du Coq, à 17% je suis un brin lourd m’voyez… finalement, un entraînement de deux heures la veille d’une sortie à 2700 mètres de dénivelé, c’est peut-être pas la meilleure des idées…

Puis, à trois jours de la fin d’un contrat qui m’aura apporté beaucoup sur le plan humain et de moulaga – eh oui, pendant une belle année, je possédais des thunes, j’étais à l’aise financièrement – je monte en haute-vallée à l’aide de mes deux bolides neufs : l’Iseran dans un premier temps, avec un passage sur ce barrage à tête de mioche et sans bagnole, puis une quarantaine de bornes de descente, torchées en même pas une heure, plus tard, je prends la direction du nord et du Cormet. Sans voir le lac de Roselend, j’aime à en prendre plein les yeux et les jambes : je rentre rincé mais heureux d’avoir mal. Heureux aussi de voir Mathieu van der Poel aller chercher du jaune. J’ai chialé. Parce que c’était beau. Putain.

Avec distance, nuance et non sans une certaine indécence, j’observe et donne à penser les élections locales, avec ma tendance tout à fait manifeste à vouloir tacler ce qui me semble absurde. Tout le monde en prend pour son grade, mais d’un autre côté, si les gens étaient moins cons, il y aurait sans doute moins de choses à dire. Ah oui c’est vrai, j’ai refusé d’être candidat parce que le type au téléphone a employé le terme « racisé » et qu’il a insulté à demi-mot mon président de parti… Déso poto, l’Union de la Gauche je m’en tamponne le coquillart. J’aime bien l’arène politique, même si mon maire ne me dit plus bonjour – est-ce seulement un drame..?

 

Juillet. Voilà enfin juillet, le mois jaune. Celui du soleil aussi. Alors, il fait bon penser aux vacances, même quand on est le dernier à parcourir les couloirs du lycée, pour la dernière fois à ce poste-là. Ce soir, je prendrai le chemin du nord, au moins relatif pour deux nuits. En haut de Romme, l’ambiance est belle et le moment est partagé avec mes meilleurs compères vélophiles. On mange, on boit et l’on festoie. C’est l’été animé par quelqu’épreuve cycliste qui passera le lendemain. Sous la pluie. Elle passe sous une pluie dantesque : on est trempé autant qu’on est débile au moment de voir les turbos sur 53x27 passer — fais pas ça tu vas casser ta chaine. Puis, dans le nuage qui remonte de la vallée de l’Arve et qui nous bouche la vue sur un Giffre toujours aussi splendide, Mathieu débarque, toujours paré de jaune pour encore au moins vingt-cinq bornes. Une aura. Une éclaircie dans le déluge. Et nous, comme des cons à applaudir plus qu’à l’admirer. Putain que ce mec a la classe.

Quelques jours à la maison et je redécouvre mes contrées, à vélo, ou à pied. Je remonte les prolongateurs et je comprends pourquoi ma nouvelle monture vaut son prix : 41 de moyenne à Cirey, avec des jambes plus très habituées à l’exercice, alors direction la Mauirenne pour voir Iseran, Thibaut Pinot, Galibier, Mont-Cenis et les Villards : s’accompagner convenablement est une des conditions pour profiter comme il se doit des Savoie. Cette fois-ci, le Mont Blanc s’est dévoilé en majesté et moi, je suis arrivé en forçant comme un forain : meilleur temps personnel sur la montée, c’était inespéré.

Il fait par ailleurs bon retrouver les copains, entraîner les débiles au cinéma et s’habiller comme il se doit pour recevoir, et boire un vin dont nous ne sommes pas dignes. Le cyrard nous aura fait courir, c’est déjà un bon décrassage…

 

Août. Il est grand temps de retourner bosser, ou du moins d’aller grailler quelques billets en disant à des enfants qu’ils ont un quotient intellectuel négatif. Non je déconne. Bon, un peu quand même, mais pas tant. Dans ce que la Haute-Loire fait de plus élevé, je prends mes quartiers au troisième étage d’un bâtiment surpeuplé, les rencontres sont belles mais les événements me font vriller : j’ai besoin de prendre l’air, de parcourir les routes locales, en bord de Loire ou dans les bois de Mézenc. Rien ne sert, c’est un bordel dans ma tête et je prends malgré moi mes distances, avec la seule volonté de rester digne. La joie de la rencontre d’autrui ne s’oublie pas pour autant.

Je veux retrouver celle, bien plus simple, d’être en selle des kilomètres durant. Alors je rallonge, toujours un peu, encore un peu, puis je programme très long, mais la météo et le cœur m’en ont convaincu d’autrement ; 218 bornes c’est peut-être déjà pas mal, surtout quand il fait peu beau. Les étoiles de Sarrebourg à la nuit tombée non plus, c’est pas forcément beau.

Alors que l’automne approche, je reprends la direction du seul lac valable pour aller au bout de ce que je sais faire et, qui sait, cette fois-ci, ça marchera peut-être, une année pour le savoir. Haut les cœurs, force et honneur !

 

Septembre. La rentrée au premier septembre, voilà qui faisait bien longtemps, mais il faut bien s’y faire : un jour ou l’autre, il faudra que je le fasse subir à des merdeux. Première fois d’ailleurs que ceux du Crous ne veulent pas que je sois boursier, il paraît que mes parents sont trop riches. Même la banque a rigolé. Pour compenser, je reprends le vélo, quelque dernières fois avant de ne plus faire que de la géographie – et un peu d’histoire mais la suite du présent texte vous informera sur mon rapport à cette connerie. Je pars à l’assaut d’un monstre que j’avais jusqu’alors soigneusement évité : le Mont du Chat, en prévision d’une rallonge de type Giffre-Bornes. C’est rude et je grimpe autour des onze à l’heure, pas pire pour un type de quatre-vingts kilos. Le dimanche qui suit, c’est à treize à l’heure que je gravis les dernières rampes de la Colombière : toujours aussi dur, toujours aussi beau. Sport de con : Pierre Carrée c’est chiant, vivement qu’on y foute un ascenseur valléen. Non mais si tu n’y connais rien Maurice, autant que tu fermes ta gueule.

Le Gard et la Lozère offrent un merveilleux épisode/épilogue à une promo de vagabonds qui aimait à se retrouver autour d’une table au beau milieu d’un labo où l’on avait pas de bureau.

Après ça, on retourne à l’école et de temps à autre, il faut en sortir : le hand revenu compense aisément la bicyclette. Je suis toujours aussi claqué au sol mais j’ai le mérite d’essayer. On me dit à l’oreillette qu’il y a un derby dans trois semaines ; très bien, je suis prêt à débrancher le cerveau.

Tiens, en parlant de débrancher le cerveau, l’homme-gigot Bouteflika est mort. Voilà, c’est tout. Je vois venir les décoloniaux tiens : non Marin.e, nous ne sommes pas tous responsable du commerce triangulaire. Non, puis à la différence de toi et de ta licence de socio du genre, les esclaves avaient un travail.

Belmondo, Beaucarne s’en vont aussi, Chris Anker Sørensen avec : monde de merde.

 

Octobre. Et voilà, ce qui devait arriver arriva, j’arbitre à nouveau avec quelqu’un, c’est pas jojo mais ça fait le boulot. Et ça évite les matches à la con, mais pas les cons pendant les matches, ça c’est moi pendant le derby. Tant qu’on y gagne, c’est pas bien grave… C’est bien différent quand trop d’histoire se trouve au programme, c’est de la géo que je veux faire, bordel. Et même si c’est vraiment pas le moment, je fais une liste des articles qu’il est tout à fait envisageable de faire : sport dans le monde rural, préservation du patrimoine dans les hautes vallées alpines, bien d’autres encore ! Mais tout cela attendra, il faut que je cause de religion dans le monde romain. Passionnant ! Putain mais t’as trois sources Laurent, calme-toi. Et puis tu fais des parallèles entre la République Romaine et celle de France. C’est de vous ça ou vous l’avez entendu ? Non Laurent, le « on » n’est pas un marqueur linguistique du complotisme… Faites-le taire. Sangarelli avait raison, le centrisme est un vichysme du temps de paix. Ouais, c’est bon, voilà ta copie. C’est pas comme si j’avais le choix non plus. Mais rassurez-vous, ils ne sont pas tous comme ça, certains font même des vannes sur Bernard Tapie.

Toujours est-il que je me crois capable de faire mieux dès qu’une copie me revient. Allez, on tient le bon bout et l’on mange des gâteaux pour se souvenir que la vie sait être douce :

 

Il faut chercher en soi ce que son âme recèle

Des prières, des mantras, ce que la vie enseigne

Avant qu’nos corps ne cèdent comme des statues de sel

Dansons sous les lumières du ciel…

 

Je veux manger des tartes au fromage en corrigeant des copies, espérer plus loin que le seul apprentissage de l’autre, voir ce qu’il est possible de faire à l’horizon du jeune chercheur.

 

Novembre. Dans le froid relatif de l’automne, le soleil se confond avec déjà quelques décorations de Noël, qui n’ont pour seul faculté de me gonfler. Les chancres de l’ultra-consommation sont bien en place, Carrefour en est blindé, comme une promotion perpétuelle. Allez vous faire foutre avec votre remise de quinze pour-cent sur les chips au poulet de chez Lay’s. Avec vos offres à la con deux achetés le troisième offert. Qu’est-ce que tu vas faire de trois bouteilles de shampooing alors que t’es chauve depuis tes vingt-quatre ans, tocard ? Les fêtes sont désacralisées pour faire de la maille et permettre aux sales pauvres de se sentir vivre avec du tarama et trois blinis. Et les petites pépettes de seize ans sont ravies de pouvoir aller chez Pimkie pour acheter des bracelets qu’elles mettront pour sceller les amitiés, celles-là même qui voleront en éclats à la moindre trahison. Une trahison qui s’avérera être d’avoir embrassé le grand Timéo, alors que l’autre le voulait aussi, le tout en oubliant que celui qui avait fabriqué le bracelet avait le même âge que Timéo. La différence réside dans le fait que Thuan, dans sa province de Phu Yên, doit bosser pour aider sa mère, et il la fait pas chier pour une paire de Superstar. Vous comprenez pourquoi je parlais de monde de merde ?

Il reste heureusement quelques vieux élégants lâchant quelques fumeroles blanches dans les rues de Chapareillan, la pipe fait correspondre leur odeur avec la neige fraîchement tombée un peu plus haut, et moi je suis là, passant mon onze novembre sur le vélo, découvrant la Cochette et alignant un dénivelé à quatre chiffres. Fichtre, je bosserai demain ! Ledit lendemain, je verrai la splendeur du Beaufortain et du Val d’Arly entremêlant les couleurs de l’automne avec celles de l’hiver. Un peu plus tard, je me prendrai pour un prof devant une promo entière de masterants, l’expérience est bonne, alors allons voir plus loin (nota bene : j’ai pas eu l’impression de bosser plus que ça)… Savoie, Savoie, je t’aime beaucoup mais je pense à aller construire ma carrière ailleurs… et si, après quelque pérégrination lyonnaise, je ne remettais pas un maillot jaune et bleu..?

 

Décembre. Commencer un mois en allant à Grenoble est un gâchis que l’on ne se figure pas. Les cours qui y sont dispensés sont même sacrément chiants, pour ne pas dire à chier. Admirez la poésie. Et c’est encore pire quand il faut que j’y retourne pour arbitrer, juste à côté, dans une ville qui a le nom pour les fables, là où les casse-pieds sont légion. J’étais de bonne humeur avant de commencer et… patatra, il faudra compter sur la commission de discipline. Ainsi que sur l’indiscipline sanitaire : deux matches reportés en deux semaines… on fait avec ! Je retrouve aussi les terrains lorrains, avec mon club, si fièrement rural, vainqueur pour mon plus grand plaisir. Et le lendemain, un vrai match avec un vrai binôme. Espérons plus !

Au moins je sens venir la maîtrise de quelque concept, de quelque exemples que je cherche à entretenir, à compléter. Les retours sont positifs quand ils existent, je me fais porte-voix d’une promo entière qui réclame ses copies. Me voilà agrégatif en syndicalisme, pour le plus grand énervement de cet historien peu apte à être pertinent. Bon, on n’a toujours pas les copies. Mais j’ai le sentiment d’être aussi bien soutenu que je me sens bien entouré.

 

 

Bien entouré, c’est ce que j’espère à chacun. C’est ce que je vais voir. Et même si l’on sent la fragilité de certains, on perçoit le soutien et l’idée de famille. Et puis, même si votre oncle antivaxx est de la partie, que votre grand-mère dit que, quand même, Pétain a fait de grande choses, ce n’est pas si grave, il vous reste que quelques années avant de les voir séniles ou morts. Profitez au moins de leur présence, la présidentielle nous rendra tous cons bien assez vite. Empiffrez-vous de ce que vous voulez, picolez à n’en plus finir, dégueulez votre bonheur et surtout sur les programmes d’Emmanuel Zemmour ou d’Éric Macron, vous aurez bien une cousine écolo pour vous soutenir, même si vous la trouvez débile, c’est aussi ça la famille…

Allez, soyez heureux, soyez cons ; soyez bons, soyez preux : Noël aussi désacralisé soit-il reste une bonne occasion de se retrouver – et de faire fonctionner le capitalisme.

Un saint Noël à chacun et chacune, et à l’année prochaine, j’espère !

2021 : mon bilan
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