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2023 : mon bilan

par Antonin Van Der Straeten 24 Décembre 2023, 14:52 Chroniques Noël Société

« Le gars s’avance sur le promontoire en bois du Mont Revard, le soleil commence à se cacher là-bas, derrière, plus loin que Lyon, pour la dernière fois de l’année. Le mer de nuages tapisse le vide d’un épais rassurement. Dessous, les gens ont la tête dans la brume, le cerveau dans les limbes, les idées embuées. Ils terminent une année où ils ont vécu, pleuré, crié, où d’autres sont partis. Le gars, lui, a pris de la hauteur sur ces événements qui ont fait son année : au loin des siens, au proche de lui ou presque, il songe aux trois-cent-soixante-cinq jours qui ont jonché son chemin de vie. Et pour la dixième fois, il imagine que cela intéressera du monde. La belle idée..! »

 

Voilà donc que se termine une année supplémentaire. Une année qui a commencé avec des aspirations, qui se termine avec d’autres ; qui a commencé avec des personnes et qui se termine sans elles. Mais ça, vous le saurez bien assez vite si vous prenez place à bord du TGV de mon existence contée dans le style le plus profane qui soit.

 

Janvier.

Quand d’autres s’enorgueillissent de faire péter moult appareils pyrotechniques au risque de leurs membres, la nuit strasbourgeoise s’avère riche en goût et en fromages. Là où d’aucuns aspirent aux grandes cultures, d’autres aspirent simplement être eux-mêmes, dans le plus grand des conforts ; la simplicité est difficile à entrevoir. Elle peut pourtant s’avérer perceptible sur les flancs des montagnes iséroises quand, au détour de quelques pas de chamois, je gagne sans aucun câble le sommet du domaine de Chamrousse, sous un grand soleil et sans belle neige. La montagne se partage, se vit, se conçoit.

En revanche, j’avais du mal à concevoir l’idée même de travailler jusqu’à 65 piges, d’où ma présence à la fierté à peine dissimulée sur l’axe autoroutier qui traverse Chambé : la VRU occupée par les enseignants-chercheurs, ça donnerait presque des idées aux maîtres de conférences en géo des transports ; si, si ! Les mêmes qui ont gueulé quand Vinci leur a pondu une autoroute inutile à l’ouest de Strasbourg.

Pareil, j’avais du mal à concevoir que on arcade puisse aller heurter le sol des Prés Riants, ce gymnase que j’aime tant sans qu’il soit mon jardin : un p’tit tour aux urgences pour venir parachever le marasme handballistique qui m’occupe en ce début d’année. Au moins, il y avait les trois points à l’arrivée. Fini le mal de crâne et autorisé à reprendre, je m’occupe du banc pour le match suivant : le match se termine en trois contre trois dans un sport censé se jouer à six contre six ; soit, le terrain est aussi apte à recevoir des matches de street basket. Avec des buts. Vaste programme.

Vaste programme, en effet, qu’est celui du nouveau formateur que je suis : deux petits couillons embarqueront dans ce Titanic qu’est l’arbitrage. Comment ça, vous voulez venir me voir siffler à La Roche-sur-Foron un samedi soir à vingt-et-une heure ? Faut vraiment aimer le handball… ou n’avoir rien d’autre à foutre ! En un mot comme en cent, je crois que je suis tombé sur deux pépites, autant que j’en oublie dans ce mois de janvier chargé que je suis aussi agrégatif et doctorant…

 

Février.

À défaut d’être utile sur un terrain avec un ballon en main, je me dis qu’aller voir des matches peut être un bon remède pour oublier sa médiocrité. Pas de bol, je suis tombé sur une purge. En même temps, Chambéry-Chartres, ça vend pas du rêve, ça sonne même surement mieux à la SCNF, et pourtant il faut changer à Paris (ou à Versailles Chantiers, mais t’imagines bien l’angoisse) ! Pas pour autant qu’on se démonte par ici : bien accompagné, je prends la direction du Granier. Oui oui, en février et sur deux roues. Madame grimpe déjà mieux que moi alors qu’elle prépare sa première saison de cycliste, ça promet. Une descente scabreuse entre deux chaussées enneigées plus loin, on s’enfonce dans le Val Coisin, dont la sortie se fait obligatoirement par une petite descente. Trimballant quatre-vingt-cinq kilos, je suis plutôt du genre rapide à l’exercice… jusqu’à ce que je veuille éviter une bouche d’égout dans une épingle à droite : le bitume comme étrier de frein, je ne recommande pas..!

Un poil plus loin, sur une aire de covoiturage pourrie dans l’Ain (c’est le début d’un film de Ken Loach, non ?), je laisse ma chère et tendre à ceux qui vont l’emmener faire du vélo, et déjà, j’ai en tête le carnage qu’elle va engendrer. Les autres, z’êtes pas prêtes ! J’en profite pour faire un tour du côté de Pérouges, cité de l’époque où les urbanistes n’existaient pas. Alors en effet, forcément, c’est peu adapté aux PMR, mais faut les comprendre, à l’époque, ces gens-là étaient brulés vifs ou consommés en salade avec le peu de rations disponibles. Non mais fallait être valide aussi. Comme tout le monde.

Dans mes ultimes préparations de concours, j’hérite de notes meilleures en histoire qu’en géo, quelle drôle d’erreur s’est glissée par là..? Et puis, si ça passait, cette fois-ci ?

En toute fin de mois, peut-être même le dernier jour, dans une salle blindée, un derby se joue. Deux équipes réserves de nationales qui ne jouent pas. Sur le terrain, des joueurs de N1, de N2, et puis nous deux, avec nos maillots gris et nos sifflets. Un pur moment de plaisir, de partage de décisions et d’émotions. Même avec vingt ans d’écart, l’arbitrage est une passion, et encore plus quand ton collègue t’offre un maillot rose.

 

Mars.

Ce mois de l’embellie météo demeure celui des concours, ou du moins du concours qui m’intéresse. Foncer vers Strasbourg, c’est s’assurer d’une certaine douceur dans l’approche qui est faite dudit concours. Entre tartes flambées, au fromage blanc ou escapades à deux roues, rien ne laisse présager une telle échéance. Et pourtant, tout se passe relativement bien. Enfin je crois : nonante bornes la veille de la première épreuve, ça met sur de bons rails, comme ceux de coke nécessaire à la confection d’un plan concret sur la première épreuve : « villes et géographies du politiques ». Le chef avait vu juste… sinon, vous connaissez Prague ? J’en ai fait une sous-partie… D’ailleurs, en parlant de poudre blanche, on nous propose des lego pour faire des allégories de projet professionnel : ça en adoucirait presque le bullshit managérial qui gangrène l’université. Ouais en fait non, ou alors faut le dire vite.

Sur les routes de Seine-et-Marne, j’en connais une qui prend goût à la bicyclette : une première course, avec des pros, c’était « incroyable ». Comme quand Mathieu a fait fumer le bitume sur la ViaRoma. Monumental. La motion de censure aussi, c’était monumental, Elisabeth avait depuis bien longtemps dépassé les bornes.

Vous prendrez bien un bidon de courage pour braver le Danube ?

 

Avril.

Au rayon des concours, le mois d’avril offre aussi son lot de surprises, surtout quand il s’agit de découvrir qui les passe en même temps que nous : ce gros golem suintant le mépris de classe et étalant sans aucune vergogne son capital social et intellectuel s’érigera malgré lui en running gag de ma préparation et de celle de mes compères. Celui qui se disait de gauche antiraciste et de droite anticommuniste – paie ton positionnement politique bancal – se rêvait géographe en étalant sa copie sur les réseaux sociaux, mais il avait oublié la géographie en route. Nul à chier.

C’est aussi ce type de qualificatif qui me vient lorsqu’arrivent les écrits du CAPES, histoire de se préparer à la suite, juste comme ça. Pas de bol, en histoire, c’est un vieux sujet qui tombe. Pas préparé. Du tout. Pendant quatre heures sur les six au programme, je déblatère deux trois bêtises, je mets deux heures à me souvenir du nom des haruspices et, une phrase du cher D’Ormesson à Valls en tête, je sors guilleret de cette première journée : « il y a comme une ombre d’enfumage ».

Et puis direction le centre de la France où, enfin je redeviens doctorant. Sur le terrain, je rencontre élus et autres chargés de mission, je chiale devant la stèle de Poulidor, aussi. Et puis les gars du Gard m’offrent bière sur bière. À défaut d’être au centre du monde, ils offrent le leur aux visiteurs qui s’y intéressent. Et puis ça fait de belles choses à raconter…

De retour au creux de mes montagnes, je reçois moult visites dont celles de ceux qui veulent prendre de la hauteur : un Grand Cucheron et une petite Colombière plus loin, il fallait bien s’enfiler une tartiflette. Le reblochon, c’est toujours de saison.

 

Mai.

En mai, fais ce qu’il te plaît. J’ai jamais compris cette maxime débile. Ou alors je suis juste complètement con. Ou alors on s’en fout. Ou alors... oh mais ta gueule…

Au rayon des réjouissances, je paie à nouveau un voyage à la capitale pour élucubrer sur des sujets lunaires. Bref, pour brasser de l’air. Et pour s’y préparer, quoi de mieux qu’un sujet sur les vents dans le monde, hein ? Non mais franchement, j’ai vraiment une tronche de Miss Météo ? Ça aurait surement été plus utile si ça avait été sur la pluie, comme quand je file vers le Haut-Doubs pour m’égosiller pour madame : pas passée loin de la boite avec sa draisienne qui finira sans roue deux semaines après, au beau milieu de l’Aube. Cinq heures de bagnole pour ne pas prendre le départ, je l’aurais eu mauvaise, moi aussi. Et le pire dans tout ça, c’est que ça me donne envie de faire pareil ! Alors je monte sur ma bécane, moi aussi, direction les petits monts de Savoie : huit minutes de mieux dans Plainpalais, ça ferait presque du bien au moral, comme quand j’ai eu la drôle d’idée de vouloir tirer un jet franc directement, dans le chaudron bourgetain. Boum ! Poteau rentrant, ballon rentré. Un seul lac, et c’est pas celui d’Aix-les-Bains. Voilà.

En revanche, on ne pouvait plus mal terminer la saison de handball autrement qu’en faisant un test d’arbitrage avec un drôle de type, déboussolé et complètement perdu. Et pour la première fois sur un terrain, j’ai eu honte d’être au sifflet.

 

Juin.

Juin commence au creux des montagnes mauriennaises, là où se dresse le Galibier, et où je me hisse à coups de pédales. Cent cinquantième, sur un peu plus de cinq cents, alors même que je suis une enclume. Ma condition physique de cadet en surpoids sait être étonnante. L’orage que je me mange en descendant l’est encore davantage, glacé, puis réchauffé en arrivant tout en bas, grâce une tartiflette, un fil rouge. Au même moment, sans personne au podium, ma chère et tendre grimpe, elle aussi, sur une marche remarquable : la seconde du championnat inter-régional. Un soleil.

Puis vient l’ombre ; à la veille de ma première épreuve parisienne, en histoire, ma grand-mère termine la sienne, à pas loin de là où je croupis en attendant ma sentence. Celle-ci est rude, je ne sais plus où me foutre. Et le lendemain, c’est pareil. Six heures et vingt-quatre minutes plus loin, je sais que tout est mort. Terminé l’espoir revenu. Je fais le reste de la semaine au courage, pour me dire que le concours ne doit pas gagner. Alors je chante comme un cygne, en évoquant mon grand-père de substitution, qui se rêvait géographe, parti au printemps lui aussi : la bande dessinée en géographie méritait bien l’évocation de la culture des lisières. Mais moi non plus, je ne gagnerai pas, sinon une place dans le corrigé d’une des épreuves. Le gars voulait mettre dix-huit. On se consolera ailleurs…

Ailleurs, c’est à la fois sur les pavés du nord, où madame aurait mérité meilleur sort sans un saut de chaine, c’est escalader le majestueux Cormet de Roselend avec son directeur de thèse, partager une pizza avec mon père dans la plus italienne des villes françaises, celle où je crèche et où je déménage, encore, et non sans rebondissements ; le cloporte qui a embarqué mon sac dans ma bagnole ne sait pas ce qui l’attend si je le retrouve. Envolées, mes données, mon bouquin sur la traversée des Alpes presque terminé. Envolée, mon insouciance de jeune doctorant pas agrégé. Envolés, mon Houellebecq, mon Magris, mon Kundera.

 

Juillet.

Le mois de juillet commence alors que mon karma est déplorable. Pourtant, forcer le destin en allant chercher de nouvelles données dans la montagne inconnue, celle du destin, de mon collègue à l’accent chantant, apparaît comme une douce idée.  Je file vers le sud-ouest en faisant un simple coucou à Mazamet, bourgade d’une rare douceur. S’annoncent enfin les Pyrénéens, fidèles à leur réputation, sous le soleil puis dans le brouillard en un quart d’heure. Entre Foix et Cauterets, je découvre une montagne majestueuse, rustique, au terroir singulier. Le Tour s’y arrête, comme chaque année, et moi je le découvre in situ comme un chercheur, qui croque à pleine dents son terrain. Une fois fini, je m’envole vers le nord, non sans un arrêt au Puy-de-Dôme, et avant d’y revenir pour partager mes découvertes à celle qui a eu l’audace de prendre son destin de sportive en mains. Dans cet élan de partage et d’envies, personne n’a dit qu’il était raisonnable de faire Bagnères-de-Luchon - Abreschviller en une journée. Ni non plus, de manger trois fois au resto dans la même journée ; un anniversaire, ça se fête, bordel.

Romain fait une em-Bardet dans une descente des Alpes alors je le rêvais vainqueur le jour-même : pour nous autres, amateurs du cyclisme vrai, le bonheur semble interdit.

 

« Il est midi je suis assis sous un parasol de couleur
À mes pieds s’étend Prague
Je la vois comme j’imaginais les villes ensorcelées
Je la vois comme le songe des bâtisseurs fantasques
Je la vois comme un trône comme la ville résidentielle de la magie
Je la vois comme une citadelle volcanique taillée dans la pierre par un dément fébrile »

Vitezslav Nezval, Prague aux doigts de pluie.

 

Ainsi Milan Kundera évoquait le poème qui disparaît — comme lui-même, dans cette légèreté de l’être définitivement insoutenable. La vie est ailleurs…

 

Août.

Revenus à la raison géographique, le Grand-Bornand nous accueille sous la pluie, entre les Saisies et vers les Aravis. Mon vélo montre certaines limites quand la vitesse ascensionnelle de celle qui m’accompagne défie la gravité : plus vite que les pros dans le mur du col des Annes, excusez-moi ! La suite ne peut être que grandiose : va voir plus à l’ouest ou plus au sud si la N1 t’ouvre les bras, et si jamais ça ne marche pas, tu auras toujours les miens pour te maintenir en équilibre.

Je reste d’ailleurs dans les montagnes aussi longtemps que possible — être animateur, c’est avant tout du partage, et c’est aussi hyper marrant : « je suis ton grand chipolata… » — au pied de l’Aiguille Croche, à faire partager ma passion pour ces gros cailloux à des gamins qui ne connaissent que le béton : là-haut, qui l’eût cru, que ces mômes feraient une nuit entière face au Mont Blanc. La chose est aisée, quand est proche, mais presque une quête asymptotique, lorsque les tours gangrènent le paysage.

Le mien changera d’ailleurs, quand j’aurai à nouveau des clefs, orné d’une Pointe Percée !

 

« Dis-moi comment sortir des écrans

S'enfuir du présent

Changer d'océan

Dis-moi comment écrire en chantant

La fin du roman

Heureux dans l'instant

Dis-moi »

 

Le tant redouté retour à la réalité sera rude, mais éloigné des miens, je trouverai du réconfort dans l’adversité.

 

Septembre.

Me voilà de retour à mon bureau, qui n’avait pas bougé depuis deux mois. Et pourtant, il y en a eu, du bazar dans la maison Edytem. Nouvellement installé, je découvre aussi de nouveaux collègues, bruts, complets, entiers. Des gens avec qui on peut discuter. Mon traditionnel « cher collègues » au moment de manger se trouve être partagé, toujours ce croustillant second degré de l’enseignement supérieur, toujours aussi mal payé. Bientôt bac +8 et toujours sous le salaire médian. Quand je pense aux voisins en école de commerce qui prennent le triple en ayant acheté leur diplôme. Le mérite, vraiment ? L’enseignement privé d’économie et de bullshit d’entrepreneur est une prostitution à long terme : allez au diable, suppôts du macronisme !

Je retourne sur le terrain en profitant du soleil qui reste, plus longtemps que prévu, sur les monts de Tarentaise. Je découvre alors une piste cyclable pas comme les autres et des acteurs territoriaux au diapason : le col de la Loze n’a d’égal que la folie cycliste de ses aménageurs. Un virage à deux-cent-trente degrés au bout d’un replat pour prendre à droite à vingt pour-cent, vraiment ? Bande de tarés. Une chance, j’étais à pied, j’ai pu anticiper…

La rentrée implique d’amples nouveautés : me voici avec un nouveau binôme, un zinzin fan des codes Dalloz ; et me voici aussi et surtout entraineur d’une bande de gamins de treize et quatorze ans. À la fin du tournoi que j’avais organisé, ceux-là me laissent dubitatif, y’a du boulot mais aussi et surtout du potentiel, je me jure que je les emmènerai aussi loin que possible. Au-delà des gamins, ils deviennent mes gamins. Autant que, peut-être, j’aspire au sifflet national pour la première fois depuis six ans. Inshallah, comme on dit chez nous, et tant pis pour mon compère de l’an dernier, qui m’a appris autant qu’il m’a fait marrer.

Et puis, pas candidat à ma succession à l’oral de l’agrégation, je découvre non sans un certain détachement le rapport de son jury. Et avec un étonnement encore plus important, j’y découvre deux de mes exemples les plus aboutis : si j’avais su que Ladj Ly et ma visite de jeune géographe à Prague, quatre années plus tôt, serviraient à corriger un sujet du concours le plus important de ma discipline… pas agrégé, mais pris en exemple, et ça me convient très bien.

 

Octobre.

« Le vent fera craquer les branches, la brume viendra dans sa robe blanche » et les cons seront de nouveau de sortie dans les gymnases. Bah voyons. Nouvelle saison, nouveaux horizons. Non, rien du tout : les jean-foutres tentent d’asséner leur loi, comme celui qui me traite de tocard dans une tribune, et celle qui ne veut rien entendre sur la nouvelle règle de l’engagement. Eh oui, le handball évolue mais les cons restent cons, Brassens avait raison : « eh le 13, on se voit à la ligue avec Jean-Eudes Bouquet* », inutile de vous préciser que le 13, c’est moi et que ledit monsieur susnommé est un ami. Devinez qui a été rétrogradée dès le lendemain… Au moins, ce soir-là, j’ai repris mes marques avec le handball, et mon 8/10 a été remarqué. Heureux, le gars. Et les bleus du Bourget victorieux, avec ça.

Et comme toutes les occasions sont bonnes pour faire remarquer leur bêtise aux gens, je signale en pleine réunion que la carte du réseau universitaire auquel appartient mon établissement a une quinzaine d’années de retard : le Monténégro encore en Serbie ? Et pourquoi pas une carte avec l’URSS ? Ou non, mieux, du Judet de Timis en Autriche-Hongrie ! Là, on est à la bonne époque ! Bande d’incultes. Comme ceux qui hurlent « allah u Akbar » pour défendre la Palestine et ceux qui estiment que Netanyahou est un enfant de chœur. Ouvrez. Des. Livres !

Enfin, mon enfance en prend une belle dans la gueule quand disparaît l’immense Michael Gambon, dur à admettre que l’on grandit, que l’on vieillit, à part peut-être quand on partage aux plus jeunes ce que l’on sait, ce que l’on cherche, ce que l’on sème… ou quand on se permet d’aller faire voiture balai dans le Relais du Chat quand les copains le grimpent : « excusez-moi, vous connaissez Richie Porte ? ».

 

*le nom a été modifié

 

Novembre.

Une fois n’est pas coutume — enfin si, parce que c’est quand même un sacré mois de merde, novembre — les tarés reprennent leurs droits dans les urnes : qu’est-ce qu’ils sont cons en Amérique latine… après Bolsonaro, voici venir un Mike Brant libertaré aux allures de bucheron de Central Park, un petit Donald Trump qui aurait trop trainé à Woodstock. Tu la verras ta tronçonneuse mon vieux, tu la sentiras même fort, et je ne fais pas de dessin…

Pour autant, je vis une parenthèse ensoleillée du côté de Philippes, là où le Drama fut grand à l’époque d’Auguste : les vingt degrés bien affirmés de la Grande Grèce font froid dans le dos une fois revenus dans le vent du hangar de Baden-Baden… davantage de parenthèse, je vous prie, et même si un vélo tout neuf m’attend à mon retour : enchanté, Tonin, Aeroad. Aeroad, Tonin. La bête est des plus vertes, et elle ne demande qu’à murir sous mes coups de pédale !

Dans le tumulte de ce mois de merde, je m’élève contre l’utilisation intempestive et systématique de l’anglais, outrant l’idiote du village, étonnée d’avoir à justifier son usage en 2023. Excusez-nous de tenir à notre langue, madame ; il ne me semble pas que s’adapter aux volontés de la minorité ait toujours été de bon aloi : connaissez le Rwanda ? Remarque, ça peut pas être pire que Longwy un matin de novembre hein, quelle angoisse. Vous auriez un bulldozer ?

Entre corrections de mes jeunes et d’un article – qu’est-ce que ça peut être chiant, je trouve encore le temps de mettre quelques parpaings bien sentis : en un mois, je marque plus qu’en une année, quelle drôle d’affaire quand même, le handball… surtout quand on accompagne ses petits arbitres autant que ses apprenti-handballeurs : « vas-y Gomet, cartonne-le ce con » ; « plus fort la cartouche encore Kerzozo ! ».

 

 

Décembre.

Une fois les décorations de Noël éteintes – beh oui, elles sont allumées depuis le 15 octobre, j’amène partout où c’est possible une boite de pains d’épices au chocolat. Enfin surtout au bureau, où mes collègues s’empressent, ou presque, d’en prendre en guise de petit dessert. Je déclare la Savoie annexée par l’Alsace. Tiens, on est dans Europa Universalis. Allez, demain, j’emmène un plat de bouchées à la Reine à Landerneau, histoire de fignoler l’annexion de la Bretagne. Toujours un con avec un drapeau breton. Un drapeau breton oui, mais bleu-blanc-rouge, je vous prie !

Entre nouvelles figures et lectures de pontifes de la géo – Raffestin je t’aime, je prends le temps de préparer les sauces avec lesquelles je mangerai mes L1 et mes L2 au second semestre : comment ça, la carte de Mâcon et des documents en tchèque dans un commentaire de dossier c’est trop ambitieux ? Ils utilisent bien ChatGPT pour faire des bibliographies, ils pourront bien utiliser Reverso ou WordReference ces immenses débiles. Non, mais s’il progressent, c’est quand même vachement mieux !

De retour dans mes contrées, je prends le temps d’une assiette partagée avec un aîné qui me dit un jour : « tu peux beaucoup, il te suffit de vouloir », puis j’en reviens à mes anciens murs messins, là où je partage mon expérience, je donne des idées, des suggestions, et où, surtout, j’encourage à persévérer. La volonté est une première locomotive, le reste suit quand bon semble… à l’inverse de moi, qui sur un vélo n’est plus capable de suivre qui que ce soit : claqué au sol, le géant qui atteint les nonante kilos aussi vite qu’il descend le Lautaret… Bouffe de l’herbe, ruminant !

 

Terminée, l’année. Finie, la folie. Enfin, celle des grandeurs sans doute : plus aucune abondance disait le maître. Pourtant, à l’heure où certains boufferont du caviar à Noël, d’autres voudront juste se chauffer, ou a minima ne pas avoir trop froid. Moi ce que j’en dis, c’est qu’au-delà d’une année de fou furieux : en Russie, en Palestine ou dans les Vosges, il demeure une envie de progression, de partage, d’exister malgré tout ce bordel. Dans cette atmosphère qui fleure bon la connerie, le contrôle d’autrui et la fumée de cigarette à quinze balles le paquet, on tachera d’être là, là où peut-être d’autres ne sont plus. De mon côté, je ferai sans quelqu’un de cher, avant d’aller sur ses terres dès la nouvelle année. En attendant, empiffrez vous de ce que vous voulez mais soyez vous-mêmes là où vous avez envie d’être. N’ayez comme frontière que celle de votre existence.

 

L’an dernier, j’écrivais :

Ce fut une année comme toutes les autres, finalement : tout le monde sous pression, les cons au pouvoir et le reste n’est que mascarade. Alors oubliez tout ça, laissez de côté tracas et injonctions, empiffrez-vous de ce que vous voulez, tant que vous y prenez plaisir. Par ici, on est douze, et on en attend encore. Le cocktail sera explosif mais au moins, si on s’engueule, ce sera festif. J’en connais qui ont le sens de la formule… Allez, je vous laisse en paix, vous êtes arrivés au bout et c’est déjà un exploit : en cette fin d’année, je vous félicite.

Cette fois-ci, nous sommes sept. Mais l’exploit d’être arrivé au bout demeure identique. Bisous, les lecteurs du réveillon, et à bientôt.

 

Pour la dixième fois, je vous dis merde. Et joyeux Noël. Profitez-en, ce sera peut-être la dernière. C’est moins aisé d’écrire sur soi et sur le monde quand écrire est devenu son travail.

Je suis un loup-garou, je ne vous l'avais jamais dit ?

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